Aqaba, Jordanie : Entre le vent et le sable

Kokoro no Michi – Le carnet de route de Maëva

Escale à Istanbul — 14 octobre 2025

Istanbul, Turquie | crédit photo Ibrahim Uzun

J’ai quitté Lisbonne à l’aube, les pavés encore mouillés par la nuit et le ciel teinté de rose pâle. Le taxi filait le long du Tage tandis que la ville s’éveillait lentement. Lisbonne a cette façon douce de dire au revoir : elle t’accompagne du regard, sans jamais te retenir. À l’aéroport, un café noir, un dernier pastel de nata, et me voilà en route pour Istanbul, avant d’atteindre ma destination finale : Amman.

Le vol a duré un peu plus de quatre heures. Entre deux nuages, la Méditerranée s’étirait comme un miroir argenté. J’ai regardé les cartes des circuits que je prépare pour Nomadéa : une nouvelle idée m’est venue, un itinéraire entre le Portugal et la Turquie, deux pays où la mer dicte encore le rythme du temps. Peut-être qu’un jour, des voyageurs suivront ce même trajet, d’une rive à l’autre, en quête de soleil et de mémoire.

À l’arrivée, Istanbul m’a happée d’un seul coup : des annonces en turc, des odeurs d’épices et de café torréfié, et un flot de voyageurs venu de partout. L’aéroport est si vaste qu’on s’y sent minuscule, comme un grain de sable dans une marée humaine. Mais c’est ce que j’aime des escales : ce moment où tu n’es de nulle part et de partout à la fois.

J’avais quelques heures à tuer avant mon vol pour Amman, alors je me suis installée dans un café à la décoration sobre : tables de marbre froid, tabourets en métal, lumière filtrée par de grandes baies vitrées. Le serveur m’a apporté un kahve turc à la cardamome, si fort qu’il aurait réveillé une armée de statues. À côté de moi, un couple d’Allemands dessinait leur itinéraire vers la Cappadoce ; en face, une jeune femme écrivait une lettre à la main – un geste rare, presque intime. J’ai eu envie de lui demander à qui elle écrivait, puis je me suis dit que c’était justement ça, la beauté du voyage : imaginer les histoires des autres sans les interrompre.

Une heure plus tard, un musicien a sorti un oud et s’est mis à jouer doucement dans un coin du terminal. Le temps s’est arrêté. Les conversations se sont tues, les voyageurs se sont tournés vers lui comme aimantés. Quelques minutes suspendues, où la musique liait des gens qui ne se reverront jamais. Ce genre de moment me rappelle pourquoi je fais ce métier : pour ces rencontres fugitives, ces émotions partagées qui ne demandent ni passeport, ni traduction.

Entre deux messages sur mon téléphone, j’ai parcouru les actualités. La Turquie se prépare à célébrer le centenaire de sa République ; les journaux parlent de défilés, de feux d’artifice et de débats sur l’avenir. Ici, dans cet aéroport immense, tout semble pourtant paisible. Le monde dehors continue de tourner, mais à l’intérieur, le temps reste suspendu entre deux portes d’embarquement.

Avant de rejoindre ma porte, je me suis accordé un moment face à la baie vitrée. Le soleil déclinait derrière les pistes, dorant les avions d’une lumière presque irréelle. J’ai pensé à ceux qui partent pour la première fois, à ceux qui rentrent enfin, et à ceux, comme moi, qui vivent entre les deux – les éternels passagers. Voyager, c’est accepter cette oscillation : ni ancrée, ni perdue, juste en mouvement.

Mon vol pour Amman a été appelé. En marchant vers la porte, j’ai ressenti cette pointe d’excitation qui précède chaque nouvelle destination : ce moment où le cœur bat un peu plus vite parce qu’on ne sait pas encore ce qui nous attend. Je crois que c’est ça, l’amour du voyage : cette envie de recommencer à s’émerveiller, encore et encore, sans jamais se lasser.

Dans quelques heures, je découvrirai la Jordanie, ses collines blondes, ses marchés d’épices et ses déserts rouges. Ce sera une autre lumière, un autre rythme. Mais Istanbul, avec sa chaleur et son tumulte, m’a rappelé une chose essentielle : même les lieux de passage peuvent marquer le cœur. Parfois, une simple escale suffit à réenchanter le monde.

今日の言葉 (Kotoba du jour) :
旅は心の鏡 — Tabi wa kokoro no kagami
Le voyage est le miroir du cœur.

— Maëva Tanaka-Gauthier
心の道

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