Amman, Jordanie : Sous les minarets d’Amman, exploration de la capitale et premiers repérages
Kokoro no Michi – Le carnet de route de Maëva
Amman, Jordanie — 15 octobre 2025
Le chant du muezzin m’a réveillée à l’aube, juste avant que le soleil ne se glisse entre les rideaux blancs de ma chambre. Dans cette lumière dorée, Amman semblait flotter, comme une ville à mi-chemin entre le rêve et la poussière. De ma fenêtre, les toits couleur miel s’empilaient sur les collines, et les oiseaux tournaient déjà au-dessus des minarets.
C’est ma première vraie journée ici. Après l’escale bruyante d’Istanbul, j’avais envie de lenteur, de respirer l’air chaud sans courir après quoi que ce soit. Alors j’ai laissé mon programme dans mon sac et j’ai décidé de simplement marcher.
Je suis partie à pied dans le quartier de Jabal Al-Lweibdeh, un coin que j’adore pour sa personnalité. C’est l’un des plus anciens d’Amman, mais aussi l’un des plus vivants. On y trouve des galeries d’art cachées derrière des portes en fer, des librairies indépendantes où l’odeur du papier rivalise avec celle du café, et des trottoirs irréguliers où les jeunes discutent de cinéma jordanien en buvant du thé à la menthe. Ce n’est pas le genre d’endroit qu’on visite, c’est un endroit qu’on habite un instant.
Au détour d’une ruelle, j’ai poussé la porte d’un petit café sans enseigne. À l’intérieur, trois tables, un vieux tourne-disque, et des murs tapissés de photos en noir et blanc. La propriétaire s’appelait Rania. Elle m’a accueillie avec ce sourire que seuls les gens qui ont beaucoup vécu savent offrir — franc, un peu fatigué, mais sincère. En discutant, j’ai appris qu’elle était autrefois guide touristique. La pandémie a tout arrêté, et elle a ouvert ce café pour « continuer de voyager à travers les histoires des autres ».
Elle m’a servi un café au cardamome, fort et doux à la fois, pendant qu’on parlait de sa ville. « Amman n’est pas spectaculaire comme Pétra, m’a-t-elle dit. Mais c’est une ville qui t’apprend la patience. Rien n’y est facile, mais tout y est vrai. » Cette phrase a résonné longtemps. J’ai pris des notes pour un futur circuit autour des rencontres humaines en Jordanie, loin des sentiers trop battus — parce que ce pays se raconte surtout à travers les voix de ceux qui y vivent.
En début d’après-midi, j’ai pris un taxi pour rejoindre la citadelle d’Amman, perchée sur l’une des sept collines de la ville. Le chauffeur, un homme au regard bienveillant, écoutait de la musique arabe classique en silence. Il m’a juste dit : « Regarde bien, là-haut, tu verras tout ce que la Jordanie est : ancienne et jeune à la fois. »
Là-haut, la citadelle est une leçon d’histoire à ciel ouvert. Des ruines romaines, des vestiges byzantins, et un temple d’Hercule qui semble encore veiller sur la ville. Le vent soufflait chaud et soulevait une poussière fine qui piquait les yeux. En contrebas, Amman s’étendait comme une vague de pierre dorée. Assise sur un rocher, j’ai noté une idée pour un voyage de repérage : un circuit « Déserts et oasis » reliant Amman à Wadi Rum en passant par Pétra — une traversée de paysages, mais surtout d’émotions.
En redescendant, je me suis arrêtée dans un petit restaurant où un homme âgé préparait du mansaf, le plat national. Riz, agneau tendre, amandes grillées et sauce au yaourt séché. Le parfum seul aurait pu me tirer des larmes. Il m’a servi généreusement, en m’expliquant que chaque famille a sa version du plat. La sienne, disait-il, était celle de sa grand-mère bédouine. Ici, tout parle de transmission : gestes, saveurs, valeurs. Rien n’est figé, mais rien ne s’oublie.
Après le repas, j’ai flâné dans les souks du centre-ville. Le vacarme, les appels des vendeurs, les étals débordant de tissus colorés et d’épices m’ont submergée. J’ai acheté un peu de zaatar et des dattes fraîches, sans négocier — une manie : payer le prix demandé, par respect pour le sourire en face de moi.
En fin de journée, j’ai rejoint un collègue jordanien, Youssef, pour discuter logistique du circuit à venir. Il m’a parlé du désert de Wadi Rum, où je pars demain : « Là-bas, le silence n’est pas vide. Il te parle. » Je sais que je vais aimer cet endroit : montagnes rouges, ciel immense, ce sentiment que le temps s’y arrête — et vous remet à votre juste place.
Ce soir, je m’assieds sur la terrasse de mon hôtel. Le vent soulève doucement les rideaux. En bas, j’entends les klaxons, les voix, les appels à la prière qui se croisent dans l’air chaud. Amman est vivante, multiple, complexe — comme tous les lieux qu’on finit par aimer vraiment. Voyager, pour moi, c’est se perdre un peu dans les détails, et se retrouver dans le regard des autres. C’est écouter sans vouloir tout comprendre tout de suite. C’est accepter que chaque pays, chaque personne, t’offre une petite pièce de ton propre puzzle.
Je ferme mon carnet. Demain, je prendrai la route vers le sud, vers le sable et les étoiles. Mais ce soir, j’ai envie de rester ici, à regarder la lumière sur les collines et à me dire que j’ai trouvé, pour un moment, ma place dans ce monde qui bouge sans cesse.
今日の言葉 (Kotoba du jour) :
静けさの中に答えがある — Shizukesa no naka ni kotae ga aru
La réponse se trouve dans le silence.
— Maëva Tanaka-Gauthier
心の道

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